L’enquête RPS


Posté le 22 octobre 2024

Le Code du Travail précise que l’employeur doit prendre des mesures préventives contre le harcèlement, mais aussi des mesures lorsqu’un salarié se plaint d’une telle situation.

La Cour de Cassation dans cette hypothèse précise que l’employeur a l’obligation de mettre en place une enquête.

Toutefois, les juridictions n’ont jamais exprimé clairement ce qu’elles attendent des entreprises en cette matière, enquête interne ou externe, enquête CSE, enquête anonyme, enquête par échantillonnage, tout est envisageable. Mais comment concrètement organiser l’enquête. Le 11 mai 2023, le Défenseur des droits a rendu une décision importante concernant la conduite d’enquêtes internes en cas de suspicion de harcèlement sexuel en entreprise. Cette décision fait suite à une plainte déposée par une salariée qui estimait que l’enquête menée par son employeur n’avait pas respecté les principes fondamentaux d’impartialité et de confidentialité.

Liminaire: Obligations de l’employeur
La décision rappelle les obligations légales de l’employeur en matière de lutte contre le harcèlement :

  • Prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les faits de harcèlement.
  • Agir immédiatement pour faire cesser tout comportement de harcèlement avéré.
  • Mener une enquête impartiale et approfondie en cas de signalement.

Ces obligations découlent du devoir de sécurité de l’employeur et de son obligation de protéger la santé physique et mentale des salariés.

A – Principes à respecter durant l’enquête.

1. Confidentialité :

  • L’enquête doit être menée de manière discrète pour protéger la dignité et la vie privée des personnes impliquées.
  • Les informations recueillies ne doivent être communiquées qu’aux personnes ayant besoin d’en connaître dans le cadre de l’enquête.

2. Impartialité :

  • L’enquêteur doit être neutre et objectif.
  • Il ne doit pas avoir de lien hiérarchique direct avec les parties impliquées.
  • Si nécessaire, l’entreprise peut faire appel à un enquêteur externe pour garantir cette impartialité.

3. Principe du contradictoire :

  • Toutes les parties doivent avoir la possibilité de s’exprimer et d’apporter des éléments à l’enquête.
  • Chaque partie doit pouvoir répondre aux allégations portées contre elle.

4. Protection contre les représailles :

  • Les personnes participant à l’enquête (victime présumée, témoins, lanceurs d’alerte) doivent être protégées contre toute mesure de rétorsion.
  • L’employeur doit garantir qu’aucune sanction ne sera prise à leur encontre du fait de leur participation à l’enquête.


B –  Recommandations spécifiques.

  • Éviter la confrontation directe entre la victime présumée et l’auteur présumé des faits, sauf si les deux parties y consentent expressément.
  • Informer clairement les parties de leurs droits, notamment le droit d’être assistées par un représentant du personnel ou un avocat.
  • Expliquer aux parties les suites possibles de l’enquête (sanctions disciplinaires, classement sans suite, etc.).
  • Rédiger un rapport d’enquête détaillé, incluant les témoignages recueillis et les conclusions de l’enquête.
  • Informer les parties des conclusions de l’enquête, dans le respect de la confidentialité.

C – Déroulement de l’enquête.

Lorsque l’employeur reçoit un signalement de harcèlement, diverses actions doivent être mises en place :

Écrire au salarié pour indiquer que sa plainte est prise en considération.
Entendre le salarié en question.
Déclencher une enquête avec les référents RPS.
Entendre la personne désignée comme étant l’auteur des faits.
Entendre, éventuellement de manière anonyme, les autres membres de l’équipe.
Faire un compte rendu d’enquête.

En cas de harcèlement avéré :
Écrire au salarié pour indiquer que des sanctions sont prises.
Notifier une sanction à l’auteur des faits (pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave).

En cas de harcèlement non avéré :

Ecrire au salarié plaignant pour expliquer les conclusions de l’enquête, échanger avec lui.

D – Conclusion et implications

Le Défenseur des droits souligne l’importance cruciale de mener ces enquêtes de manière rigoureuse et respectueuse des droits de chacun. Une enquête mal menée peut non seulement être inefficace dans la lutte contre le harcèlement, mais aussi exposer l’entreprise à des risques juridiques.
Cette décision fournit un cadre clair pour les employeurs et les professionnels des ressources humaines chargés de mener ces enquêtes. Elle contribue à renforcer la protection des salariés contre le harcèlement en milieu professionnel, tout en garantissant un traitement équitable pour toutes les parties impliquées.

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Philippe SALMON

Avocat

DESS Droit des Affaires - DJCE

Spécialiste en droit du travail